Question écrite au gouvernement posée le 25/10/2018 par Sébastien Meurant à Mme Agnès Buzyn - Ministre des Solidarités et de la Santé
M. Sébastien Meurant interroge Mme la ministre des Solidarités et de la Santé sur l'utilisation de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour censurer la transmission d'informations sur la composition et la fabrication de la nouvelle formule du Levothyrox.
Il y a un peu plus d'un an, le laboratoire pharmaceutique allemand Merck prenait la décision de remettre sur le marché l'ancienne formule du médicament Levothyrox prescrit aux patients souffrant de troubles thyroïdiens, afin d'apaiser leur colère, suite à des milliers de témoignages dénonçant des effets secondaires épouvantables imputés au changement de composition de leur médicament.
D'après l'assurance maladie, la substance active de ce médicament est prescrite à trois millions de patients en France ; l'ANSM précise quant à elle dans un rapport datant de 2013, que la lévothyroxine figure au huitième rang des molécules les plus vendues en pharmacie, et est l'un des rares produits non substituables.
Alors que nos compatriotes ont vécu le changement de composition du Levothyrox en mars 2017 comme un scandale sanitaire, dénonçant le manque d'information sur l'existence de cette nouvelle formule, et la non-reconnaissance des symptômes graves ressentis, les pouvoirs publics semblent entretenir avec constance l'opacité dans ce dossier.
En effet, l'ANSM a récemment refusé la transmission d'informations sur la composition et la fabrication de la nouvelle formule en invoquant pour la toute première fois la transposition en droit français de la directive européenne sur le secret des affaires.
Alors qu'elle a pris position pour une information plus accessible, claire et réactive sur le médicament, ce refus de transparence va à l'encontre non seulement de ses engagements, mais aussi des conclusions présentées dans le rapport qu'elle a commandé à la mission d'information sur l'amélioration de l'information des usagers et des professionnels de santé sur le médicament.
En ce sens, il souhaite connaître sa position sur la censure faite par l'ANSM sur la copie de l'autorisation de mise sur le marché du Levothyrox. Il lui demande comment elle entend rétablir le lien de confiance avec les patients alors même qu'elle ne semble pas avoir tiré les conclusions du manque criant d'information dénoncé par ces derniers.
Réponse du ministre de la santé le 30/07/2020
Le code des relations entre le public et l'administration (CRPA) consacre le principe de la liberté d'accès à toute personne aux documents administratifs. Les dispositions de l'article L. 300-2 du CRPA prévoient que sont considérés comme documents administratifs, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission.
Dès lors, constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles ainsi que les correspondances. L'article L. 311-7 du CRPA précise quant à lui que lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des « secrets légalement protégés », conformément aux articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions.
S'agissant du secret des affaires, la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires n'a pas modifié l'état du droit s'agissant de la communication des documents administratifs. Seule la dénomination du « secret industriel et commercial » a été remplacée par celle de secret des affaires, le contenu de ce secret étant exactement le même.
Ainsi, avant l'intervention de cette loi, l'article L. 311-6 1° du CRPA prévoyait que : « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière industrielle et commerciale, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ».
Depuis l'article 4 de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 précitée, l'article L. 311-6 1° dispose désormais que « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ».
Ainsi, qu'il se rapporte à la « matière industrielle et commerciale » ou aux « affaires », le champ de la loi sur les documents administratifs susceptibles d'être transmis par les administrations n'a pas été modifié : il comprend toujours notamment le secret des procédés qui protège les informations susceptibles de dévoiler le savoir-faire, c'est-à-dire notamment les techniques de fabrication, description des matériels et matières premières utilisés ou encore le secret de fabrication mentionné à l'article L. 1227-1 du code du travail et sanctionné par l'article L. 131-26 du code pénal.
C'est justement parce qu'elle relève de ce secret, que la composition quantitative en excipients des médicaments fait l'objet d'une occultation dans le cadre du traitement des demandes au titre des dispositions précitées du CRPA. Par ailleurs, l'ensemble des études menées sur le Levothyrox, les comptes rendus des différentes réunions du comité technique de pharmacovigilance sont en ligne sur le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Aussi, l'ANSM a transmis le 4 septembre 2018 à un tiers qui en faisait la demande comme prévu par la loi, la décision du 8 juin 2018 compilant toutes les modifications intervenues sur les annexes de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de la spécialité Levothyrox, depuis la première décision d'AMM en 1982. Dans l'annexe II de la décision du 8 juin 2018 précitée, figure notamment la rubrique Nom et adresse du (des) fabricant(s) de la (des) substance(s) active(s) d'origine biologique, lorsque le médicament est un médicament biologique.
La lévothyroxine n'étant pas une substance active d'origine biologique, la rubrique Nom et adresse du (des) fabricant(s) de la (des) substance(s) active(s) d'origine biologique qui figure page 8 de cette décision est « sans objet ». Le contenu n'a par conséquent pas été occulté puisque non applicable. Il est simplement « sans objet ». L'ensemble de ces clarifications ont été apportées par un point d'information consultable sur le site internet de l'ANSM. Enfin, l'ANSM a transmis, le 4 mai 2020, à l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) sur sa demande, les études de bioéquivalence menées, avant leur mise sur le marché, pour les spécialités Lévothyroxine RATIOPHARM/TEVA et BlOGARAN.
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